C'est la fin des éditeurs. Devenus de simples marchands, ils n'ont plus notre confiance et la technologie nous en dispense. Ce tableau de Tiepolo fils invite à leur tourner le dos. Grouillot de son célèbre père pendant des années pour brosser des tableaux académiques sans âme, Giandomenico Tiepolo a pris sa mesure après la mort du père, osant des fresques "impubliables" à son époque. A l'imposteur succèda un vrai artiste.

samedi 3 octobre 2015

Les "indés" s'organisent


Pour la première fois cette année, en écho à la rentrée littéraire orchestrée par les éditeurs, 40 auteurs autoédités se réunissent pour s’offrir une visibilité inédite pendant tout le mois d’octobre et toucher de nouveaux lecteurs. Épaulés par Iggybook.com (la plateforme des auteurs indépendants), Actualitte.com (le magazine des univers du livre) et Babelio.com (la première communauté de lecteurs francophones), ils lancent LA RENTRÉE DES INDÉS 2015.

jeudi 1 octobre 2015

Une promesse n'engage que ceux qui l'écoutent...


"J'ai demandé au gouvernement de déposer un amendement au projet de loi de finance pour que l'Etat soutienne financièrement les villes qui ouvriront les bibliothèques le dimanche", a déclaré le chef de l'Etat, ajoutant que "La lecture est un formidable moyen d'émancipation, de partage, d'évasion. Cette chance-là ne doit pas être un privilège".


Un livre, ça sert à quoi au juste ?


Grande nouvelle, la FNAC va racheter Darty !

Elle est loin la petite FNAC de Max Théret et André Essel qui, il y a cinquante ans, prétendait mettre les produits culturels à la portée de tous. Pour moi, qui ne suis plus tout jeune, la FNAC a longtemps été auréolée par cette image initiale de gauche, de "culture pour tous". J'avais ma carte d'adhérent, chaque année renouvelée (automatiquement, jusqu'à ce que je dise : ça suffit !)

La boutique de livres s'était ouverte, très tôt, à la culture musicale, ce qui n'avait rien de choquant. Aujourd'hui, la FNAC "agitateur culturel" mélange aux livres et aux disques des aspirateurs, des frigos, des gazinières, des lave-linge, des machines à laver la vaisselle, des grille-pain. Où s'arrête la "culture" au juste ?

De mon temps... Merde ! Je suis vieux... Les jeunes vont acheter leur frigo à la FNAC sans se poser de questions – et sans s'intéresser au rayon "Livres" qui est tout au fond, derrière les machines à laver.

Les conglomérats qu'on montre du doigt, marchands d'armes vendant des livres, comme Lagardère-Hachette, vont de pair aujourd'hui avec des marchands de livres qui vendent tout et n'importe quoi – pourvu qu'on ait l'ivresse des "marges bénéficiaires".

"L'aventure humaine de l'édition française"

Éditions La Fabrique, 432 p. 15 €
Un article de Nicolas Devers-Dreyfus, dans L'Humanité du 17 septembre 2015.

De la tablette d’argile au livre numérique, l’écriture a bouleversé l’humanité. Mais ce n’est qu’au XVIIIe  siècle qu’émerge réellement un métier nouveau : celui d’éditeur. Somme d’érudition aux informations rigoureuses, Jean-Yves Mollier réussit avec ce nouvel opus, confié à un éditeur engagé, le pari d’un ouvrage vivant qui ordonne et donne sens à l’histoire de l’édition française. 

D’abord l’écriture, instrument d’aliénation comme l’a montré Pierre Bergougnioux, car liée à la première division du travail, comptage des biens par les scribes sumériens, puis des récits dont les héros sont les propriétaires des moyens de production, des esclaves, de la terre. Mais aussi l’écriture, matrice de la raison, avancée majeure de civilisation, permettant la transmission des savoirs complexes, la scolarisation.

Succédant aux tablettes et aux volumen, rouleaux de papyrus, vient le codex, le livre de parchemin puis de papier, copié puis imprimé. À Lyon, à Paris, tels les célèbres Plantin d’Anvers et les Vénitiens, les métiers d’imprimeur, d’éditeur et de libraire se confondent. Une constance : le risque et la censure, d’Étienne Dolet brûlé vif place Maubert, en 1546, à l’assassinat de l’équipe de Charlie Hebdo.

La spécificité de l’éditeur moderne ne s’affirme qu’à l’époque des Lumières : travail sur les textes, réalisation, diffusion. Ainsi le labeur obstiné de Panckoucke, éditeur des 28 volumes de l’Encyclopédie de Diderot. À un prix correspondant à 6 000 € d’aujourd’hui, 4 200 souscripteurs acquièrent la collection, sans compter le tirage des éditions pirates. Des problématiques très actuelles du droit d’auteur, moral et matériel, à l’explosion de la lecture au XIXe siècle et des grandes dynasties de l’édition française, de l’édition scolaire au récent dynamisme des éditions de jeunesse, de l’aventure du livre de poche aux premiers pas du numérique, Jean-Yves Mollier dresse le tableau d’une autre histoire de l’édition française, dont on découvre certaines des péripéties qui ont tout du polar. On recommande la lecture des pages consacrées aux compromissions sous l’occupation, ainsi qu’à la façon dont la Librairie Hachette et ses messageries opèrent leur rétablissement avec la loi Bichet dans les années qui suivirent.

À la concentration capitalistique, donnant à l’édition le visage d’un « oligopole à franges », succède désormais la prédation des géants du Net, et s’ouvre un nouveau chapitre tout aussi imprévisible que les précédents. Mais la vocation du « passeur » d’imaginaire et de savoirs demeure.

Nicolas Devers-Dreyfus



Une autre histoire de l'édition française

Sur Mediapart, une interview de Jean-Yves Mollier, professeur d’histoire à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, spécialiste d’histoire du livre et de l’édition, qui vient de publier Une autre histoire de l’édition française, aux éditions La Fabrique.

vendredi 10 avril 2015

Un expresso, s'il vous plaît !

Sans sucre ou avec sucre? Avec encre, papier et couverture en couleur... C'est une grosse machine à café, mais elle est capable de vous fabriquer un livre de 200 pages le temps... de boire un expresso sans sucre ou avec sucre! Elle s'appelle Espresso Book Machine (EBM), fabrication Xerox. Elle a été présentée cette année au Salon du Livre de Paris, par les Presses Universitaires de France.

Imaginez-la dans votre librairie. Bonjour, Monsieur le libraire, je voudrais l'édition originale des "Misérables", s'il vous plaît. Pas de problème, vous quittez la librairie cinq minutes plus tard avec l'ouvrage sous le bras – un clone de la vraie édition originale. Vous pouvez aussi apporter les mémoires de votre grand-mère sur une clé USB et en commander pour toute la famille.

La machine coûtant 70.000 €, c'est encore un scénario de fiction, et la question des droits de reproduction n'est pas prête d'être réglée (surtout en France, où les éditeurs commencent à peine à s'intéresser à l'ebook). Il n'y a qu'une soixantaine d'EBM au monde, principalement dans les bibliothèques universitaires anglo-saxonnes.

Mais la "révolution numérique" n'a pas fini de nous surprendre. Pourquoi pas, un jour, l'EBM pour tous, à côté de l'imprimante classique? En tout cas, le prix de la machine baissera énormément avec (et pour) l'extension du marché et risque d'être assez vite à la portée d'une librairie importante.
Nous vivons une belle et fascinante époque décadente!

jeudi 2 avril 2015

Si vous voulez éditer le livre du "siècle"...













Connaissez-vous le cercle appelé « Le Siècle »? Non, bien sûr, vous ne faites pas partie du gratin politique, économique et médiatique. qui se rassemble pour un dîner, le quatrième mercredi de chaque mois, depuis cinquante ans. Serge July, David Pujadas, Arlette Chabot, Michel Field, Christine Ockrent, Laurent Joffrin, PPDA, Franz-Olivier Giesbert, etc. y côtoient Guillaume Pépy, Alain Minc, Jean-Claude Trichet, Ernest-Antoine Seillière, Arnaud Lagardère, Nicole Notat (oui, oui, la syndicaliste!), Maurice Levy (Publicis), Jack Lang, etc. etc.

C’est le moment, pour les neuneus, de sortir le carnet d’autographes ou, pour les plus conscients, de lancer une bombe. Ils sont tous là, de tout bord, pour papoter, pour mieux se connaître, n’est-ce pas… Les journalistes peuvent bien prétendre qu’ils ne font que leur métier, qui est de récolter des informations, mais il y a une règle implicite, dans ce cercle : rien de ce qui se dit (et se trame) ne doit sortir d’ici !
Le « marché » du journalisme – l’expression est de Serge Halimi, dans son livre "Les nouveaux chiens de garde" – est trusté par une poignée de journalistes vedettes qui font allégeance, grenouillent dans tous les bénitiers, mangent (royalement) à tous les râteliers, avec des salaires  vingt fois supérieurs au SMIC – sans compter les « ménages », terme qui désigne, dans le jargon du milieu, leurs prestations publicitaires (pourtant contraires à la déontologie). Constat marxiste de base : ils n’ont pas intérêt à ce que ça change. Ils ont même intérêt à défendre ceux qui remplissent leur gamelle. Chiens de garde ! Si vous voulez éditer le livre du "siècle", il vous faudra accéder à ce chenil de luxe (cravate exigée, jean interdit)…

PS (Post Scriptum s'entend!). Pour en savoir plus sur cette mafia en costume trois pièces, lire l'article du Figaro "Enquête sur les cercles et les lieux de pouvoir" et surtout "Les nouveaux chiens de garde", livre et film.

dimanche 29 mars 2015

Il était une fois La Hune...

La librairie La Hune, emblème de la librairie parisienne, fermera ses portes en juin 2015. Elle était morte une première fois au 170, boulevard Saint-Germain, pour renaître quatre ans plus tard, en 2012, à quelques centaines de mètres, rue de l'Abbaye. Le propriétaire n'est autre qu'Antoine Gallimard, qui se présente volontiers comme le défenseur du secteur de la librairie (il a "sauvé" en 2013 le Hall du Livre de Nancy). Mais La Hune perdait trop d'argent (-35% de CA) et depuis le rachat de Flammarion par Gallimard, son pdg – qui pourfendait hier les concentrations dans le secteur du livre – s'est mis au mauvais goût du jour: business is business. Il cède les 250 m2 du local au fonds de retraite Erafp pour 20 millions d'euros.

Selon le recensement des commerces parisiens réalisé en mars-avril 2014 à l’initiative de la Ville de Paris, de la chambre de commerce et d’industrie de Paris et de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur), la capitale compte 756 librairies dont seulement 15 ont une superficie de plus de 300 m2. C’est 83 magasins de moins qu’en 2011, date de la dernière enquête, et 296 de moins qu'en 2000. Consolons-nous (provisoirement): il en reste 32 à New York.

vendredi 6 mars 2015

Détournement

Pour vivre ici

Je fis un livre, l'azur m'ayant abandonné,
Un livre pour être son ami,
Un livre pour m'introduire dans la nuit d'hiver,
Un livre pour vivre mieux.

Je lui donnai ce que le jour m'avait donné:
Les forêts, les buissons, les champs de blé, les vignes,
Les nids et leurs oiseaux, les maisons et leurs clés,
Les insectes, les fleurs, les fourrures, les fêtes.

Je vécus au seul bruit des phrases crépitantes,
Au seul parfum de leur chaleur;
J'étais comme un bateau coulant dans l'eau fermée,
Comme un mort je n'avais qu'un unique élément.

Détournement de Paul Eluard (Le livre ouvert, 1940), le mot « feu » étant remplacé par le mot « livre », et « flammes » par « phrases ».