Il
 est de bon ton de défendre la 
librairie en ville contre la librairie en ligne. "De bon ton", c'est peu
 dire: on en fait une affaire de morale, campant le libraire en héros de
 notre temps, dévoué à la bonne cause au mépris de ses propres intérêts.
 Et comme il est menacé de mort, ne pas le défendre reviendrait à se 
faire le complice du système inhumain qui cherche à l'abattre.
Les librairies sont certes des lieux amis, 
dont je bénis la présence parmi les banques et les magasins de fringues,
 qui prolifèrent dans les centres-villes. Je ne manque pas d'y fureter, 
surtout en déplacement. Mais ce sont essentiellement les livres et non 
les libraires qui m'y attirent. Les libraires, ils m'ignorent, ils 
m'accordent moins d'attention que le premier commerçant venu, qui va me 
dire: "Vous désirez?" ou "Puis-je vous aider?"
Dans
 un forum de Livres Hebdo sur l'avenir des librairies indépendantes, 
quelqu'un écrit :"Et si Internet faisait trembler certains libraires 
indépendants parce que justement ils ont tendance à oublier les bases du
 métier que sont : l'accueil, le conseil, l'écoute, la valorisation du 
fonds par des libraires passionnés et formés... ce supplément d'âme 
qu'on ne retrouvera jamais sur la toile."
Nombre
 de librairies sont en effet devenues de simples magasins. Je n'accuse 
pas les libraires: ils sont victimes de la crise de la lecture et de 
l'édition, et survivent comme il peuvent sous la pression des grands 
groupes, mais les magasins de livres sont voués à disparaître, ils ne 
feront jamais le poids devant les librairies en ligne. D'autant que 
celles-ci offrent des services de plus en plus pointus (par exemple, le 
"Cherchez au cœur" d'Amazon, qui permet la recherche avec mots-clés dans
 le corps des textes numérisés).
L'avenir
 à court terme n'est pas rose, mais je veux croire l'agent littéraire 
américain Andrew Wylie, qui déclarait au journal Le Monde: "Le circuit de vente des livres va se développer d'une manière 
très favorable aux livres de qualité. Les grandes chaînes de librairie, 
qui sont extrêmement néfastes, ne mettant en avant que des livres 
médiocres, à vente rapide, et négligeant totalement le fonds, sont en 
perte de vitesse. Grâce notamment à Amazon, qui est une révolution. Le 
marché va se partager entre Amazon et les librairies indépendantes, dont
 le réseau, aux Etats-Unis, a été bien endommagé, mais va se 
reconstruire. Je suis certain que les défaitistes se trompent."
Pour
 aider ce commerce pas comme les autres, ne faudrait-il pas créer un 
label équivalent à l'Art & Essai? C'est l'une des 55 propositions de
 Baptiste-Marrey, dans son livre "Les Boutiques des merveilles", 
consacré à la défense de la librairie indépendante.