C'est la fin des éditeurs. Devenus de simples marchands, ils n'ont plus notre confiance et la technologie nous en dispense. Ce tableau de Tiepolo fils invite à leur tourner le dos. Grouillot de son célèbre père pendant des années pour brosser des tableaux académiques sans âme, Giandomenico Tiepolo a pris sa mesure après la mort du père, osant des fresques "impubliables" à son époque. A l'imposteur succèda un vrai artiste.

vendredi 22 novembre 2013

Être édité aujourd'hui

Avec un chiffre d’affaires de 700 millions d’euros en 2011, la littérature représente 26% du marché du livre, ce qui en fait le premier secteur de l’édition. Tout au moins en poids. Pour la qualité, on repassera ! L’éditeur moyen court après les profits, pas après les auteurs. Les grands gros publient un manuscrit sur 3000 reçus par la poste. Et quand le « miracle » se produit, il est monté en épingle (on peut même le goncourtifier, comme ce lourdingue « Art français de la guerre » en 2011) pour accréditer l’idée que rien n’a changé, que l’éditeur est resté un « banquier du talent », comme au XIXe siècle. En réalité, le « service des manuscrits » n’est plus qu’un faux-semblant, entretenu a minima, employant pour le premier tri des étudiants payés une misère.

Lettre de refus Dilettante
Je ne résiste pas à la tentation de publier la lettre de refus que j'ai reçue des éditions du "Dilettante". Elle en dit long sur le niveau intellectuel (et moral, car c'est vraiment se foutre des auteurs) d'un éditeur reconnu. La fiche de lecture semble rédigée par une gamine de 3ème mauvaise en français, sans style, avec fautes d'accord et impropriétés, et n'ayant rien compris au film ! C'en est comique. Mais surtout honteux. Et attristant. A courir aveuglément après le profit, on perd son âme. Le succès grand public de la gentillette Anna Gavalda a enrichi et détruit le Dilettante.

On a donc autant de chances de dénicher un éditeur par voie postale que de gagner le pactole au loto. Même chez les petits, où s'édite aujourd'hui (chez les meilleurs) la bonne littérature. Car les petits n'ont que de petits moyens, ils publient une dizaine de textes par an et comme ils se font le légitime devoir de suivre leurs auteurs, ils sont vite saturés pour plusieurs années. Ici aussi, ça se joue sur l'entregent, l'éditeur n'attend pas le facteur – d'autant qu'il n'a pas, lui, les moyens d'entretenir un service des manuscrits.

[Cette video est extraite du film de Ruth Zylberman,"Maurice Nadeau, le chemin de la vie" (54 mn), programmé par Arte en 2011. On peut le voir intégralement ici.]

Le dernier des grands découvreurs, Maurice Nadeau, vient de mourir à l’âge de 102 ans. Longue et belle carrière. On lui doit Claude Simon, Thomas Bernhard, Malcolm Lowry, Georges Perec, Varlam Chalamov, Maurice Bataille, Michel Leiris, Roland Barthes, Nathalie Sarraute, Henry Miller, Leonardo Sciascia, Witold Gombrowicz, J. M.Coetzee etc. Nombre d'entre eux étaient refusés partout.