C'est la fin des éditeurs. Devenus de simples marchands, ils n'ont plus notre confiance et la technologie nous en dispense. Ce tableau de Tiepolo fils invite à leur tourner le dos. Grouillot de son célèbre père pendant des années pour brosser des tableaux académiques sans âme, Giandomenico Tiepolo a pris sa mesure après la mort du père, osant des fresques "impubliables" à son époque. A l'imposteur succèda un vrai artiste.

jeudi 16 janvier 2014

La presse ne fait plus le poids

La presse est de moins en moins vendeuse. D'après une enquête de la société Bain and Company, révélée au dernier forum d’Avignon, “mini-Davos de la culture”, les réseaux sociaux sont les premiers prescripteurs de musique. Sur 6000 personnes, 38% leur font confiance, contre 33% à la critique professionnelle, le pourcentage restant suivant les suggestions personnalisées des plates-formes numériques. Ce sera bientôt vrai pour la prescription littéraire.

Le fait s'explique par la désaffection pour les journaux (les jeunes n'en lisent pratiquement plus) mais aussi par la déchéance du monde journalistique. Cf le livre de Serge Halimi, "Les nouveaux chiens de garde" — devenu un best seller sans passer, en refusant de passer à la télé! — dont voici la conclusion:
« Parlant des journalistes de son pays, un syndicaliste américain a observé: "Il y a vingt ans, ils déjeunaient avec nous dans des cafés. Aujourd'hui, ils dînent avec des industriels." En ne rencontrant que des "décideurs", en se dévoyant dans une société de cour et d'argent, en se transformant en machine à propagande de la pensée de marché, le journalisme s'est enfermé dans une classe et dans une caste. Il a perdu des lecteurs et son crédit. Il a précipité l'appauvrissement du débat public. Cette situation est le propre d'un système: les codes de déontologie n'y changeront pas grand-chose. Mais, face à ce que Paul Nizan appelait "les concepts dociles que rangent les caissiers soigneux de la pensée bourgeoise", la lucidité est une forme de résistance»
Même si on les lit (pour ma part, je n'y consens que dans le TGV, sur du temps perdu), comment voulez-vous leur prêter intérêt, en sachant qu'ils sont à la botte des pouvoirs politiques et financiers? Eux-mêmes ne se prennent pas au sérieux: nombre de "critiques" se bornent à délayer le prière d'insérer envoyé par l'éditeur. A force de ramper, ils finissent par ne plus savoir se tenir debout.
Ces considérations désobligeantes visent, comme le dit Serge Halimi, un "système". Dieu merci, il y a des journalistes qui gardent, autant que faire se peut, la tête haute. Certains participent même à un observatoire des medias,  acrimed.org, dans le souci d'une "critique indépendante, radicale et intransigeante". Mais, forcément, ils n'ont qu'un tout petit pignon sur rue.