C'est la fin des éditeurs. Devenus de simples marchands, ils n'ont plus notre confiance et la technologie nous en dispense. Ce tableau de Tiepolo fils invite à leur tourner le dos. Grouillot de son célèbre père pendant des années pour brosser des tableaux académiques sans âme, Giandomenico Tiepolo a pris sa mesure après la mort du père, osant des fresques "impubliables" à son époque. A l'imposteur succèda un vrai artiste.

jeudi 16 janvier 2014

Un livre, c'est beaucoup plus qu'un livre

Pour la musique, on est passés sans sourciller du 78 tours au CD et au DVD, ou au téléchargement sur disque dur. Peu importe le contenant, pourvu qu'on ait l'ivresse de la musique. La musique reste elle-même dans des contenants différents.
Il en va autrement pour le livre. Un  livre n'est pas un pur contenant. Il existe en tant qu'objet ne ressemblant qu'à lui-même. On le porte sur soi, dans sa poche, contre son cœur. On le sent, avec son nez (papier+encre). On le caresse – typographié, il a un léger relief. On a un rapport sentimental avec lui. Vivant. Humain. En cas de déménagement, les livres accumulés au long des années, qui ont tous leur petite histoire (parfois, ici et là, une grande histoire) pèsent très lourd, trop lourd pour les déménageurs, mais on ne s'en séparera pas pour un empire – alors que la plupart resteront fermés à jamais.
Un livre... C'est beaucoup plus qu'un livre...
Patrick Bazin, directeur de la Bibliothèque Publique d'Information, conservateur général des bibliothèques et président de l'Institut d'Histoire du livre, en parle magnifiquement dans son blog de Livres Hebdo et en tire des conclusions sur son avenir, à un moment où l'ebook semble le menacer:
"Du fait de sa forme stable, linéaire et close, facilement appréhendable dans sa totalité (unité de lieu et de temps), le livre est un lieu de mémoire et de représentation. Sa lecture déroule un théâtre intérieur par lequel le lecteur se représente à son rythme ce que l’auteur lui raconte tout en se représentant lui-même et en s’affirmant lui-même, au miroir de l’auteur, comme lecteur singulier. Certes, ainsi que toutes les autres formes d’expression orale ou écrite, le livre prolonge et élargit la conversation que les hommes se font depuis toujours, une conversation qui les dépasse et les enveloppe tel un tissage de mots sans limite et sans fin. Mais, paradoxalement, il y parvient dans l’illusion d’un huis clos hors temps où le lecteur viendrait écouter la voix d’un confident lui raconter le monde et, par la même occasion, le révéler à lui-même. Cette confiance, non seulement dans le texte, mais dans l’auteur qui vous parle, dans sa façon de vous faire signe (son intentionnalité) et dans l’image qu’il vous renvoie de vous-même, est essentielle."